Une caresse… Cette caresse qui vient se déposer, puis, embrasser notre cœur, enlacer notre âme. À travers la filmographie de Marquise Lepage, mes mots perdent leur équilibre, renversés sans cesse par un sourire, par des larmes, par des émotions, qui nous initient inlassablement à la chaleur humaine.
Le cinéma change les âmes, Marquise Lepage, la scénariste, réalisatrice, productrice née en Outaouais et Estrienne d’adoption qui a travaillé pour de nombreuses maisons de productions, dont l’ONF, nous en donne la preuve. Dans ce qu’elle livre pour le BEAM, il sera difficile de résumer en si peu de mots un parcours, une filmographie, un style cinématographique, des combats, des thématiques fortes, mais si l’on s’y essaye, il y a avant tout un mot qui sort du lot : l’espoir.
Parcours dans le cinéma avec un grand C.
« Je ne savais pas à quel point c’est difficile et c’est sans doute pour cela que j’ai réussi à faire du cinéma parce que sinon probablement que je n’en aurais pas fait (rires) »
Dans cette phrase qui la fait rire, Marquise Lepage est avant tout une travailleuse, une battante, des qualités indéniables dans ce métier.
Grande cinéphile diplômée d’un bac en communication spécialisée en cinéma, d’une maîtrise en études cinématographiques de l’Université de Montréal ainsi que des formations en cinéma d’animation, Marquise Lepage débute en faisant ses gammes dans une petite maison de production. Un endroit qu’elle juge plus formateur au contraire des grosses compagnies de production où en tant que stagiaire, on peut très vite s’effacer.
Période où elle porte de multiples casquettes sur des films autoproduits notamment comme assistante à la réalisation et en effectuant des remplacements en prise de son ou au maquillage, jusqu’à porter la casquette de productrice lorsque le producteur du film, parti en voyage avant le tournage, tombera malade durant son périple. Marquise Lepage va prendre à bras le corps ce rôle et finir la production d’un film qui recevra, par la suite, de bonnes critiques et plusieurs prix.
Des moments qui lui apportent une « expérience folle », mais également la construction d’une confiance, puisque cette compagnie de production, Les Productions du Lundi Matin, va produire son premier long métrage de fiction : Marie s’en va-t-en ville.
« Mon cœur d’enfant me donnait le goût d’entendre d’autres enfants. » Par la suite, son cœur s’accroche au style documentaire dans une œuvre à la fois intimiste et humaniste. Un Soleil entre deux nuages, une œuvre bouleversante sur Valérie, Benjamin et Charles, des rayons de soleil courageux souffrant de maladies graves.
À travers ses films, Apapacho, une caresse pour l’âme, Ce qu’il ne faut pas dire, Des marelles et des petites filles, Le Jardin Oublié, etc. la réalisatrice jongle à merveilleentre la fiction et le documentaire, mais également entre des thématiques puissantes, tels que les oubliés (la grande réalisatrice Alice Guy ou encore les Inuits déportés), les injustices, l’enfance, la mort, l’espoir. Des œuvres qui frappent le cœur et pour lesquels elle recevra de nombreuses distinctions au Canada et à l’international.
« Changer le monde, un film à la fois. »
Des projets de film sans cesse portés sur l’amour, la solidarité, d’ailleurs le prochain film de Marquise Lepage sera une œuvre de fiction avec Diane Lavallée et Karine Vanasse qui mettra en lumière ces thématiques chères à son cœur. Elle n’oublie pas son amour du documentaire avec deux projets qui sont toujours en développement.
« Quand on veut te faire taire, tu parles plus fort. »
Cette phrase issue de Marie s’en va-t-en ville sied à merveille aux combats de la réalisatrice qui se définit comme « un monstre de l’équité ». Présidente durant 7 ans de Réalisatrices Équitables, dont elle est cofondatrice, Marquise Lepage voit une énorme évolution depuis 20 ans. L’organisme n’y est pas pour rien « je pense que cela a joué un rôle très important dans la prise de conscience du milieu cinématographique et des institutions. Un jour le président du CRTC de l’époque m’a dit « Mais non qu’est-ce que vous racontez, on est très juste, la société est très juste. Je ne sais pas ce que vous pensez gagner en faisant un organisme comme ça? » Ce à quoi j’ai répondu « en tout cas on n’a rien à perdre vu la situation actuelle! »
Il y a eu certaines années où les femmes avaient reçu 0% de l’enveloppe pour le financement de leurs films de fiction, c’est dur d’être plus bas que ça! Ce n’est pas normal dans une société démocratique ce partage de l’argent public. D’ailleurs, même si les institutions avaient promis pour 2020, la parité n’est pas totalement achevée. On s’approche pour le nombre de films, mais pas au niveau des financements où les films de femmes sont encore sous-financés, mais cela avance, la société évolue et je pense qu’il y a actuellement dans les diverses institutions, des gens qui ont un réel désir que les choses changent. Je suis fière si j’ai contribué à éveiller les consciences et aider à faire évoluer la situation. Je suis très contente aussi qu’on veuille également créer de la place et des opportunités pour les Premières Nations et les Inuits ».
Le BEAM et l’Estrie
Nouvellement membre au BEAM, dont elle trouve l’initiative extrêmement passionnante et qui rassemble de personnes de plusieurs horizons. « Ils sont admirables ces gens qui créent des choses. Ils semblent bien avancés dans la création d’un outil collectif qui sera exceptionnel. Ça prouve aussi que l’on peut faire du cinéma en dehors de Montréal et Québec. » Concernant son emménagement dans la région estrienne, l’incertitude a plané au début pour cette citadine qui se croyait incurable. « Mais plus j’y suis, plus j’aime ça. De plus, on y rencontre des gens merveilleux. Je trouve qu’il y a une simplicité, c’est le mot, une simplicité dans les rapports humains que je reconnais de mon enfance, passée hors des grands centres. »
De ces discussions, de ces visionnements de films, de ces mots, de ces anecdotes partagées avec la réalisatrice, je conçois, avec certitude, que l’espoir n’est plus un simple mot, c’est avant tout un visage, celui d’une personne formidable que l’on a envie de suivre à travers ses histoires.
Un mot sur le rédacteur
Résident de Sherbrooke depuis 4 ans, Souley Keïta est un amoureux du 7e art. Ce jeune scénariste, réalisateur, monteur et chroniqueur cinéma, travaille également sur de nombreux festivals de cinéma à travers le Québec. Promouvoir le cinéma québécois est un de ses chevaux de bataille.