C’est dans la nuit sombre, le froid et la grisaille hivernale que le réalisateur Steve Patry a suivi et côtoyé les plus démunis de Montréal. C’était à l’hiver 2018-2019. Des personnes en situation d’itinérance, sans domicile, sans vêtements assez chauds pour affronter les -35 degrés. Les poches et le cœur vides. Ils veulent changer de vie ou non. Certains acceptent de l’aide, d’autres la refusent. Leur principal point en commun : une profonde souffrance, captée par la caméra de Steve.
Malgré les images difficiles, on sent une petite lumière : celle des intervenants qui viennent en aide aux gens de la rue, qui les connaissent par leur prénom et qui s’informent de leur état de santé. « As-tu pensé aller à l’urgence Gilles ? », « Est-ce que tu te sens faible ? »
C’est d’ailleurs par l’entremise de ce lien de confiance que Steve a pu entrer en relation avec les personnes en situation d’itinérance. « Je trouvais que filmer le travail des intervenants était une belle manière d’accéder à cette entraide-là. Et je savais stratégiquement qu’ils avaient déjà créé le lien avec les gens de la rue et qu’il serait plus facile pour moi d’entrer dans leur dynamique. Je ne partais pas de zéro », confie le documentariste.
Policières, infirmières, médecins, intervenants sociaux de l’Équipe mobile de référence et d’intervention en itinérance (EMRII) ; on sent leur vocation et leur profond désir d’aider. Ils restent professionnels malgré les nombreux refus reçus et devant la plus grande des misères humaines. Ils sont fidèles au poste, même s’il fait froid, conscients qu’une situation d’itinérance au Québec n’a rien d’humain. Le documentaire aborde d’ailleurs un autre enjeu ; celui qui alourdit le sort de ceux qui dorment au grand froid : les problèmes de santé liés à l’âge et à la consommation.
Tant que j’ai du respir dans le corps : un titre qui s’est imposé de lui-même
Le premier titre que le réalisateur Steve Patry avait en tête était Fantômes, pour l’itinérance cachée et le travail dans l’ombre des différents intervenants. Puis le projet a évolué, il a pris une autre direction. Un des personnages, amaigri et fatigué, a déclaré dans le bureau du médecin : « Tant que j’aurai du respir dans le corps, je vais… ». Il venait, sans le vouloir, de trouver le titre du documentaire. « L’omniprésence de la mort et du combat pour la vie n’était pas prévue dans le film », confie Steve.
Un regard empreint d’empathie
Steve Patry en est à son troisième long métrage documentaire. Les deux premiers, De prisons en prisons et Waseskun, ont également des visées sociopolitiques. Steve a toujours travaillé dans le domaine du cinéma avec des jeunes de la rue ou avec des gens avec des problèmes de toxicomanie et des prisonniers. Parler de ces sujets fait partie « de son ADN ». Tant que j’ai du respir dans le corps est « un condensé des deux autres films », une suite logique.
On sent, à travers tout le documentaire, son regard absent de jugement et empreint d’une grande empathie. Il a su s’immiscer dans la vie de ces gens avec un énorme respect, en ne sortant sa caméra qu’au moment opportun, sans rien brusquer.
André Duchesne, un journaliste de La Presse, qualifie Steve de « genre de héros » pour le courage qu’il a eu de mettre en images un quotidien que personne ne veut voir.
Et nous en pensons tout autant.
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Le documentaire est disponible en ligne sur la plateforme du Cinéma Moderne.
Pour visionner la bande-annonce.
Production : Les Films de l’autre – Steve Patry